Sorcières x Mona Chollet
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Mona Chollet, journaliste et essayiste engagée, est l’autrice de « Sorcières, la puissance invaincue des femmes », livre humaniste paru en 2018 et qui met en lumière le combat des femmes à travers les âges. Ce troisième essai fait suite à « Beauté fatale » et « Chez soi », publiés aux très jolies éditions de La Découverte. Alinéation féminine, analyses sociétales et féministes sont les points communs de ce triptyque.
À un journaliste qui lui demandait pourquoi elle ne se mariait pas, [Gloria Steinem] avait fait cette réponse restée célèbre : « je n’arrive pas à m’accoupler en captivité ».
Des femmes que les hommes condamnaient massivement au bûcher au XVIe et XVIIe siècles sous couvert de sorcellerie aux femmes qui refusent aujourd’hui la maternité, l’autrice détricote les mécanismes de pensées de notre société en évolution. Un parallèle trop facile pour certains mais vraiment intéressant pour ma part.
En effet, le travail de recherche est méticuleux, le propos est clair et les exemples sont savamment choisis. Sans victimiser la femme, notre essayiste met toutefois en exergue les brimades, humiliations et la mainmise des hommes sur les choix et la liberté des femmes à travers les siècles. Des guérisseuses supprimées pour délit de compétences, des femmes célibataires ou veuves brulées car non-soumises aux dessins d’un bon père de famille ou celles montrées du doigt parce que seule et sans enfants à 40 ans, l’autrice ne manquent pas de quoi étayer son propos.
Sans mâcher ses mots et sans détours, Mona Chollet s’affranchit de la demi-mesure et c’est cela qui rend forte sa prise de position. Les analyses peuvent parfois paraitre violentes mais sont toujours percutantes. N’est-ce pas comme cela que les messages peuvent s’imprégner ? Evitant le doux-amer de nombreux écrits du genre ?
La façon dont les filles sont élevées et socialisées leur apprend à redouter la solitude et laisse leurs facultés d’autonomie largement en friche. Derrière la figure fameuse de la « célibataire à chat », laissée-pour-compte censée être un objet de pitié et de dérision, on distingue l’ombre de la redoutable sorcière d’autrefois, flanquée de son « familier » diabolique.
En tous cas, il est aisé de se projeter dans certaines situations – professionnelles et personnelles – des femmes citées ou des panels interrogés. Certaines – surtout pour les femmes avec un non-désir de maternité – y trouveront du soutien, d’autres pourront sourire ou soupirer devant certaines situations cocasses ou faits divers glaçants. Et puis, ce n’est pas un livre qui pourra seulement intéresser la gente féminine (même si globalement, elles s’y retrouveront davantage).
En conclusion, une œuvre courageuse et marquante qui vaut vraiment le détour. A lire avec recul et engagement.
Sorcières – Editions La Découverte – 2018