Né d’aucune femme x Franck Bouysse
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Né d’aucune femme est un roman de Franck Bouysse paru en 2019. Intense, profond et bouleversant, on ne sort pas indemne d’une rencontre littéraire comme celle-ci. Probablement le récit qui m’a le plus touché en cette année 2020. Ce qui n’est pas très original au regard des prix remportés par l’auteur pour cette œuvre sombre et puissante.
Gabriel, un curé de province, est chargé de bénir le corps d’une femme dans un asile. La défunte cache sous les plis de sa robe, les « cahiers de Rose », l’histoire d’une enfant contrainte de grandir trop vite. A travers les yeux naïfs de cette jeune femme de quatorze ans, le lecteur découvre une vie déchirée et sordide, au cœur d’un petit village sans histoires. Mais pas seulement. En effet, le personnage de Rose fait aussi et surtout montre de résilience, d’une rage de vivre édifiante et d’un courage rare.
« En vrai, j’existe pour personne. Il y a que ce qu’on partage qui existe vraiment, ce qu’on représente pour les autres, même si c’est que ça, parce qu’un simple souvenir vaut rien, qu’il se déforme toujours, se plie de façon à être rangé dans un coin. Les souvenirs, surtout les bons, c’est rien que de la douleur qu’on engrange sans le savoir. »
La construction littéraire est impeccable et les personnages sont détaillés avec soin. Chacun semble avoir voix au chapitre. Les styles s’entremêlent et délivrent toute leur puissance au gré des récits. Une alternance de chants magnifiquement exécutée qui apporte avec elle son lot de surprises et qui nous donnent à penser.
A la lumière des premières pages du roman, j’avais peur d’être entrainée au cœur d’un récit trop noir, sans espoir, où le lecteur s’enfonce dans un marasme sans fin. Et finalement, c’est plus que cela. Evidemment, on voit venir les catastrophes à mille kilomètres et l’horreur d’une vie vide dans laquelle s’amoncèlent les tragédies. Pour autant, la sincérité et la bonté de certains personnages réussissent à illuminer ce noir tableau.
Un découverte livresque tardive mais touchante que j’ai dévoré et qui fait relativiser. Une poésie sans prétention et un angle d’attaque percutant font de ce roman un petit bijou que je conseille grandement.
Né d’aucune femme – Editions Le livre de poche – 2019