Mes années barbares x Anne Lorient
Dans « Mes années barbares » Anne Lorient raconte son périple dans la rue, sa décente en enfer, son parcours de femme torturée. Un livre brut, incisif et détonnant qui se lit parfois difficilement mais qui reflète la réalité de nombreux SDF en France.
A 18 ans, Anne est contrainte de s’enfuir de son « cocon » familial après avoir subi de nombreuses violences sexuelles, physiques et psychologiques de la part de son frère. Issue d’une famille bourgeoise, ses parents choisissent sciemment de taire l’horrible vérité et s’enferment dans un silence destructeur. Ce sera le début d’une longue descente aux enfers pour celle qui raconte, explique, se livre et se confesse.
Forcée à grandir trop vite et confrontée à une réalité violente, Anne est déjà une enfant brisée. Propulsée dans la capitale, elle va devoir se débrouiller seule sur les trottoirs de Paris pendant plus de 15 ans. A la merci de la violence des hommes, de l’indifférence des autres, du disfonctionnement humain ; la vie est une lutte de tous les instants. Ne pas sombrer, continuer à avancer, vivre dans l’instant. Et répéter.
L’écriture est précise et parfois cruelle. Les scènes de viols se banaliseraient presque. La violence est partout, du début à la fin. Et alors qu’on se dit que cela ne pourrait pas être pire, on retombe encore dans l’horreur.
Pour autant, cette œuvre ne fait pas l’erreur d’être un descriptif sans fin de moments de vie affreux, mais devient une réflexion sur le sens de la vie, le courage et la persévérance. Avec beaucoup de pudeur, l’auteure nous livre ses sentiments profonds, ses doutes, ses valeurs et sa reconstruction. Et finalement, on peut tous en tirer un enseignement.
Avec sincérité et poigne, l’auteure nous ouvre donc une porte vers son quotidien et nous donne à réfléchir sur notre rapport au monde et à autrui. Ou comment se rendre compte de cet univers parallèle et découvrir ce qui se passe finalement juste en dessous de nos fenêtres, dans nos rues et nos beaux quartiers.
On en sort forcément changer. On apprend à regarder celui qui dort dehors différemment. Et c’est déjà une belle réussite. Et puis, si vous avez l’occasion d’entendre ce témoignage de vie de vive voix, comme j’ai pu l’expérimenter, cela donne encore plus de puissance à cette œuvre intimiste. Une belle leçon de vie.
Mes années barbares – Editions de la Martinière – 2016